Jour 29: Dimanche 21 Septembre Puente San Jaime - Refuge de Viados

Levers 7h45 et décollage à 9h; pour une fois, la tente est à peu près sèche mais le temps n'est vraiment pas beau. Qu'importe, je démarre pour mon 29° jour sur la Senda Pirenàica, la remontée del Valle d'Estos. Après le massif de l'Aneto, c'est maintenant celui du Posets (2° plus haut) que je vais traverser.

L'entrée de la vallée est une gorge resserrée qui débute par des escaliers puis une piste 4x4 en balcon qui monte en surplombant le Pantano (lac) d'Estos.

Changement de rive et passage devant la Cabane de Santa Ana ouverte.
La piste est interminable mais monte en pente douce traversant la rivière à plusieurs reprises.

Puis la pente s'accentue et la rivière se fait tumultueuse, engendrant une série de cascades bondissantes.
Le détour pour les admirer de plus près n'est pas inutile même s'il faut descendre un peu; mieux vaut laisser le sac.

Il faut recharger le dos et continuer en traversant une propriété ganadera ( d'élevage) la Palanca del Turmo et sa cabane de berger fermée à clef.

Terminus de la piste, ça devient un sentier qui s'élève dans les sapins, étonnamment dallé sur plusieurs sections (là aussi, il s'agit certainement de limiter l'érosion dûe aux passages répétés des randonneurs, fréquents dans ces parages).
Il n'y a pas que les sentiers qui subissent l'érosion d'ailleurs, les bâtons de marche aussi!!

Je continue la grimpette douce jusqu'au Refuge d'Estos, alors que le temps se couvre de plus en plus. J'ai déjà parcouru 10 km et il est 11h40 à mon arrivée au Refuge à 1890 m.

Ouvert toute l'année (c'est la règle en Aragon) et d'une capacité de 200 places, celui-ci est désert. Pas envie de pique-niquer, je commande le repas et je m'installe seul dans la grande salle réfectoire.Le menu d'aujourd'hui se compose de garbanzos (pois chiches) de primer plato, d'albondigas (boulettes de viande) de segundo plato et d'un yaourt. Rajoutons la bière et le café, ça fait le tout à 18€90 !! Pas donné!

À la reprise, la pluie menace et c'est sûr, je vais me mouiller!!
Je dois maintenant m'attaquer au Puerto de Chistau (ou Gistain selon les appellations). J'ai déjà franchi ce col avec mes potes en 2007 et je connais aussi la descente derrière jusqu'au terminus de l'étape.
Je croise 3 personnes qui descendent dont une jolie espagnole qui me confirme l'averse toute proche.

Et ça ne loupe pas, je dois mettre la capuche!
La progression se fait plus raide dans le fond de vallée, de sapins en pierriers et la végétation de plus en plus clairsemée.

Le plafond nuageux est très bas et les franges de brouillard  venant de France, voltigent sur les crêtes alentour.
Je vais finir toute l'ascension sous la flotte et dans le froid. Une fois de plus, mes mains sont gelées.
Quand la montée semble finie, illusion! il reste encore un coup de cul final.

Je parviens enfin au sommet à 2590 m après moultes pataugeoires.
En 2007, nous avions eu du beau temps.
Le topo précise qu'ici dans un carré de 15 kms de côté, on dénombre la bagatelle de 35 "3000"!

La pluie se calme très légèrement, mais je ne stationne pas et j'enchaine de suite la descente.

Comme souvent depuis que je suis seul sur le GR et que ma seule tâche est de mettre un pied devant l'autre, pour occuper le temps, je parle seul, ( n'est-ce pas Kilian?) et je chante aussi très souvent et à pleins poumons. Un de mes refrains favoris, hormis les chansons à tiroirs  (et un peu de paillard! ça fait du bien de se lâcher!) est la chanson du torero extraite du Carmen de Bizet. Sa tessiture correspond tout à fait à ma voix de ténor qui quotidiennement, résonne dans les vallées.
Tout ça pour dire qu'à peine la descente engagée, je scotche, oui!! je scotche une marmotte qui reste pétrifiée de peur, de curiosité ou d'admiration (allez savoir?) en m'entendant chanter:
".... et que l'amour t'attend! Toreador! l'amour, l'amour t'attend!!...."
Je peux ainsi l'approcher à 3 m alors que ses congénères ont déjà disparu dans les anfractuosités de la roche au premier sifflet d'avertissement.
Mais revenons à nos......sentiers!

La pluie a cessé et quelques rayons de soleil pointent timidement de ci de là.
Je longe le ruisseau et je me souviens qu'en 2007, nous avions vu une marmotte se mettre sur le ventre et "faire de la luge" sur les névés restants en se laissant glisser sur le pente. Peut être était-ce la même ?
La vallée se resserre et dégringole vers la triple confluence d'Añes Cruces.
Bien au dessus, surplomblant le site, la Cabane du même nom semble occupée.

Je franchis le torrent et j'aborde un single à flanc de pente qui  traverse plusieurs sources ferrugineuses. Le soleil m'accompagne quelques instants.

Sur ma gauche, la ligne de crêtes conduit au Posets dont la cime se cache par intermittence.

Le sentier très long finit dans les pelouses de Viados, au pied même du Posets alors que la pluie revient copieusement à la charge.

Enfin à destination: les granges de Viados où nous avions laissé la voiture en 2007 pour le tour et l'ascension de cette montagne peu connue.
50 mètres de remontée vers le refuge gardé.

Je suis accueilli par un couple de vieux proprios pas très sympathiques. (11€50la nuit et 2€ la douche chaude) Les consignes sont strictes, ça ne rigole pas !!
Avant de monter dans les étages, on est fermement prié de laisser kway et cape de sac à sécher dans une construction annexe où il n'y a même pas un crochet pour suspendre, avant d'enfiler les chaussures d'intérieur sur le pas de la porte.
Je prends place dans le dortoir en compagnie d'un Allemand sur la HRP et un couple d'Anglais sur le GR 11 tous trois en sens contraire. "Il faut prendre le lit n°18 et pas un autre sinon......!"
L'Allemand consulte longuement mes cartes et les prend même  en photo. En effet, la HRP emprunte souvent le GR 1o et le GR 11 qui sont aussi des solutions de repli en cas de brouillard extrême sur les crêtes.
La pluie a enfin cessé et le Posets est dégagé. À droite, le col d' Eriste que nous avions gravi en 2007 lors de notre semaine montagnarde, avant de réussir l'ascension.

Après la douche, petite sortie dehors pour l'admirer de nouveau; et comme par magie, une éclaircie aussi inattendue  qu'éphémère embrase sa masse imposante, lui conférant des couleurs exceptionnelles.

Christine m'appelle sur le fixe du Refuge et je me fais retirer des mains le téléphone car je raconte ma vie !!! On me montre autoritairement du doigt le téléphone à pièces dispo dans l'entrée. Sympa le taulier !!
Mes voisins de chambrée prennent le repas, moi c'est dans la construction annexe humide et froide  à l'éclairage blafard qui fait office de cuisine libre que je me restaure !!
Aucune prise branchée dans ce refuge de m....!! je ne peux même pas recharger le téléphone. Promis juré, je n'y reviens plus !!

La qualité de la photo n'a d'égale que la réalité du moment.

Aujourd'hui: 21 kms et 1489 m de D+ Total parcouru 451 km Il m'en reste 361