Jour 28: Samedi 20 Septembre Refuge d'Anglios - Puente San Jaime

Il a fait froid cette nuit et j'ai dû rajouter un à un des habits. D'abord les chaussettes puis la polaire enfin le pantalon long, mon sac Extrem light étant un peu limite, même si j'avais posé le duvet sur la couverture de survie pour m'isoler du froid venant par dessous.
Les Israëliens me surprennent en partant sans déjeuner (en fait, ils font ça tous les jours et cassent une grosse croûte après une heure de marche: chacun sa méthode! )
Pour ma part, impensable de partir l'estomac vide et je trouve bien plus pratique la préparation d'une boisson chaude à l'intérieur tant que le sac n'est pas prêt.
J'ouvre donc la porte de la cabane à 8h15, après eux donc, pour une étape de haute montagne déjà parcourue en 2008 avec mes potes.
Une partie importante du D+ a été effectuée hier après midi, répartissant au mieux les efforts sur 2 jours.
Je laisse le refuge, direction le Col dels Ibons à 2524m.
Il fait frais et je m'arrête pour enfiler la panoplie de protection contre le froid.

Je ne tarde pas à atteindre les Estanys Cap d'Anglios: un chapelet de lacs situés dans la partie haute de la vallée glaciaire. Dans des temps reculés, des glaciers gigantesques façonnèrent ces vallées; il n'en reste que de minuscules bribes en très forte régression  aujourd'hui malheureusement.

Passé le dernier lac, l'ascension se fait dans un pierrier-chaos très peu commode et très énergivore du fait de la pente raide. Le chemin existe mais j'ai beau scruter le vallon, je ne parviens pas à le distinguer à l'avance.

Une heure depuis la cabane pour atteindre le col et c'est la vue plongeante sur l'estany Cap de Llauset et son refuge en construction qui servira de nouveau camp de base pour les seigneurs des Pyrénées dont l'Aneto.

Je contourne le lac ( une tente Décat sur la rive: à ce sujet, les règles de bivouac sont très variées sur le GR 11. En Maladeta, c'est autorisé au dessus de 2000m du coucher du soleil jusqu'à 8h. J'avais noté  pendant la préparation du trip toutes les autorisations et interdictions dans les différentes régions autonomes. En pratique, l'important est de ne pas se faire prendre!! ).
Je longe le déversoir du lac qui descend à gauche, contournant ainsi le refuge par l'arrière

et j'attaque le col de Vallivierna (ou Ballibierna) 5° plus haut col du GR11 à 2710 m. Mais l'essentiel du D+ a été fait hier.
Ça monte très raide et je termine dans un pierrier (on est en haute montagne) alors qu'en Juillet 2008, celui-ci était recouvert d'un névé qu'on avait longé. Juste en face, au dessus du lac, le col franchi précédemment.

Arrivé au sommet, les souvenirs remontent.... je nous revois attendant les concurrents de l'Ultra Trail de l'Aneto, une course de malades sur 160 bornes et 10000m de D+ environ si mes souvenirs sont exacts. Peut être même qu'à l'époque, nous avons vu passer un certain Kilian Jornet sans le connaître ! Qui sait !

La vue depuis le col est magnifique; même si le soleil est voilé par les nuages.
J'y croise 5 Espagnols sur le GR 11 par tronçons. L'endroit est venté, je ne moisis pas là et j'amorce la descente dans le pierrier (encore) vers les 3 Ibons de Vallivierna, alternant chaos et monotraces.

Sur ma gauche, une cordée de 15 attaque un couloir vertical vers un sommet: Y'en tout autour, y'a qu'à se servir ! Le Pic d'Aneto est sur ma droite caché par la Crencha de Llosars.
Je croise un groupe de 4 espagnols, plus "raisonnables" sur le GR 11.
J'aperçois alors au niveau du dernier lac juste avant le verrou deux silhouettes, vraisemblablement, deux personnes au repos profitant du spectacle.....
La roche par endroit, est une oeuvre d'art à ciel ouvert dont il suffit de tourner les pages une à une et la nature nous offre une palette de couleurs rares.

Je longe le dernier lac et je découvre, ahuri, les détritus laissés au bord de l'eau par les dites silhouettes: canette d'Aquarius (boisson espagnole d'après sport), mouchoirs en papier, emballage plastique et couenne de jambon!!!
Mon sang ne fait qu'un tour, je glisse le tout dans mon sac poubelle et je passe la surmultipliée bien décidé à les rattraper et à leur faire bouffer !!!!!!

À bien y réfléchir, on est samedi et ce n'est pas étonnant,y'a pas que des montagnards aujourd'hui, y'a aussi des blaireaux !!
J'accélère donc le pas, croisant un groupe de trois qui m'informe que c'est un père et son petit garçon qui me devancent.

Je ne tarde pas à les rejoindre et j'entame naïvement la conversation en espagnol avec le père.
Nous évoquons entre autre la beauté des lieux préservés grâce à la politique du Parc Natural de Posets-Maladeta et j'en viens au fait. À la question: "Se lo has llevado todo ?" (vous avez tout emporté ? ) il me répond d'un oui catégorique avec un applomb incroyable!!
Je lui sors alors tous les détritus un à un de la poche, sous l'oeil étonné du fiston qui manifestement ne saisit pas toute la portée de l'instant et je lui colle dans les mains la poche afin qu'il la redescende. Inutile de vous préciser le ton employé......!!
Je ne sais pas si la leçon aura porté ses fruits ni même si elle aura eu une influence quelconque sur le gamin......
Les ayant doublés, je prends de l'avance dans la descente très longue qui se fait plus douce jusqu'au Pont de Coronas et au refuge du même nom. Le soleil est largement revenu, magnifiant les paysages.

Entre temps, j'ai laissé à droite la route de l'Aneto.
Je m'installe sur les rochers au soleil à l'écart de la multitude de voitures garées dans tous les sens sur cette zone d'accès élargie. Ce parking est le point de départ majeur de l'ascension de l'Aneto dont je n'aperçois que la pointe. Ce sommet nécessite crampons, piolet et corde et en 2008, avec Daniel et Pierre, nous ne l'avons pas gravi pour ne pas alourdir nos sacs déjà très lourds en autonomie totale pour une semaine.

Du coin de l'oeil, je vérifie que mes deux blaireaux lorsqu'ils arrivent, ont bien descendu la poubelle: effectivement, ils l'ont dans les bras et la déposent par terre dans le refuge. Ben! Voyons!
Excédé, je renonce à en remettre une couche pour leur expliquer que les randonneurs qui dorment dans les refuges n'ont pas besoin de renifler les poubelles des autres pendant leur sommeil et qu'elle aurait été bien plus à sa place dans leur conteneur perso à la maison !!
Y'a encore du boulot, en Espagne !( en France aussi d'ailleurs!!)
Au moment de repartir, je m'arrête pour une photo souvenir au petit banc où nous avions ponctué notre trip en 2008 pour attendre la navette.

Cette fois-ci, c'est à pied que je vais parcourir les 10 kms de piste descendante jusqu'au Puente San Jaime.
Les vues sur les sommets sont superbes, le soleil est généreux, les cascades sont légion, les bordures vertigineuses, le petit refuge d'El Quillon bien curieux avec son arche ogivale, noircie par les feux répétés.

Dans la partie finale, le GR11 abandonne la piste et coupe les dernières épingles à travers bois pour rejoindre l'Embalse de Paso Nuevo dans la vallée cul de sac de Benasque.

Je continue sur piste plate, doublant le lac et longeant la rivière sur quelques kms.

 Trois campings signalés sur la carte. Je laisse le premier à main droite (Ixea); la flemme de descendre tout en bas sur la rive (des fois qu'il soit fermé et qu'il faille remonter).
Je poursuis sur un chemin large en faux plat descendant. Arrivé au pont, il y a du réseau, les textos tombent en rafale, je prends quelques minutes pour y répondre.( À ce propos, mention spéciale à La Bécasse qui me tient compagnie chaque jour de plus en plus par multiples sms interposés dont je me délecte à la lecture!!)
Je traverse le pont et la route via le 2° camping Chuise: il est à  l'abandon! Je reviens sur mes pas et me dirige vers le 3°,le camping Aneto en aval du pont,

Camping  encore ouvert mais à la prestation strict minimum: boutique, bar, resto fermés !!! Y'a que la wi-fi qui passe bien! Tant pis pour la binouze!!
Dans l'enceinte même du camp, un joli pont romain unit les deux aires de bivouac.
J'installe le campement près d'un fourgon aménagé espagnol tout près de la réception. À 1200 m environ, il ne devrait pas faire froid.
 

Aujourd'hui: 20 kms et 2 cols. Total parcouru: 430 km il m'en reste 382

Tiens! j'y pense ! ( en écrivant ces lignes ) je crois bien que c'est mon avant-avant dernière nuit passée sous tente.....